© Sara Sampelayo

Artiste performeuse, Anne Thuot vit et travaille à Bruxelles.

Metteure en scène de formation, diplômée de l’INSAS où elle enseigne aujourd'hui, elle mène aujourd’hui des projets de performance qui interrogent l’identité européenne, les modes de narrations dominants et notre relation à l’autre. Elle questionne le rôle de l’artiste dans un vivre-ensemble trop souvent marqué par la peur, l’intolérance ou l’absence d’empathie. Comment devenir témoin ? Comment s’ouvrir à celui qui est pour nous « différent » ? Comment proposer des expériences qui transgressent cette peur et permettent d'aller à la rencontre de celui qu’on ne comprend pas ou dont on ignore tout ? Par le corps, la vidéo ou le texte, elle met alors en lien les histoires intimes qui habitent l’espace public à travers des projets souvent créés in situ et qui explorent de différentes manières la place que nos corps et ses histoires peuvent prendre dans la ville.

Capitale de l’Europe, Bruxelles joue un double rôle dans ce travail, en tant que territoire et symbole d’un héritage européen contradictoire. « Ville-monde » aux inégalités sociales insoutenables mais aux croisements culturels exceptionnels, l’espace public renvoie aussi à un héritage colonial belge encore largement à déconstruire. A Bruxelles ou dans d’autres villes européennes, l’investigation urbaine et l’exploration de différents dispositifs de rencontre artistique sont alors pour Anne Thuot une manière de mettre en lumière et de jouer avec ces formes de conditionnement urbain: quelle est cette frontière qui sépare le « bon corps » du « mauvais », le visible de l’invisible, le discours sur le vivre-ensemble de sa réalité quotidienne, bien plus complexe et hétérogène ? Comment faire ressurgir et dialoguer les mémoires intimes et collectives ?

Anne Thuot expérimente plusieurs procédés pour aller à la rencontre d’habitants, qu’ils soient Européens de longue date ou nouveaux-arrivants. La déambulation, l’infiltration, l’occupation, le travestissement, l’entretien lui permettent de proposer d’autres formes de narration et d’expériences dans la ville, qu’elle reprend ensuite à travers des interventions publiques, des performances ou installations pluridisciplinaires ou encore dans le cadre de projets socio-artistiques. Son travail mélange fiction, recherche et actions performatives. Ce sont souvent différentes étapes d’un processus de création partagé directement avec le public afin d’interagir autour d’une pensée toujours en mouvement. Sans jamais être à proprement narrative et linéaire, la fiction sert à poser un cadre à travers lequel regarder ces réalités. Elle est un canevas à développer, à broder, à mettre en doute.

Entre outil performatif et auto-fiction, Anne Thuot explore aussi le travestissement comme une transformation intérieure et extérieure qui permet de comprendre une réalité physique ou sociale hétérogène. C’est cette envie qui fait naitre les performances Wild (2015), Looking for the Putes Mecs (Prix du Spectacle Vivant 2017 de la SACD) et le projet multiforme Lydia Richardson (2015-2019). Plus récemment, Anne Thuot travaille en collaboration avec Sara Sampelayo et Flore Herman autour des récits et mémoires intimes de l’héritage colonial européen qui hantent les corps et les objets Lydia Richardson en Afrique (2017) et You Will Be Missed (2018).

Anne thuot a aussi mis en scène pour le Groupe Toc et collaboré avec les collectifs Transquinquennal, Dito’Dito, le jeune théâtre flamand Bronks et les chorégraphes Hans Van Den Broeck et Jérôme Bel. Elle a crée J’ai enduré vos discours et j’ai l’oreille en feu en écriture collective avec Caroline Lamarche. Elle a également été artiste en résidence au Théâtre de l'Ancre et à Ekla, Centre Dramatique de Wallonie pour l'Enfance et la Jeunesse.

Anne Thuot est lauréate du Prix Jo Dekmine 2019, décerné par le Conseil d'administration du Théâtre des Doms. https://www.lesdoms.eu/le-prix-jo-dekmine