J'ai enduré vos discours et j'ai l'oreille en feu (théâtre)  2013

© Charles Paulicevitch
© Olivier Donnet
© Olivier Donnet
© Olivier Donnet

Sur cette photo de Charles Paulicevich, une femme âgée en jaune, les mains croisées et ridées.
Elle regarde ailleurs, droite, comme si malgré sa vieillesse et son histoire, elle continuait à garder le cap. A avancer?
En tout cas on le dirait, contre vents et marées même.
A moins qu’elle ne scrute sa propre mort ou celle de ceux qu’elle a aimés et perdus, ou détestés.

Cette femme c’est The Revenger’s Tragedy, la pièce élisabéthaine choisie comme point de départ du projet : elle vient du passé et elle regarde dans notre direction. Cette pièce dont l’attribution est incertaine – Thomas Middleton ? Cyril Tourneur ? Quelqu’un d’autre ? Une femme ? – nargue et questionne, elle met sur la table des sujets qui sont aujourd’hui encore «brûlants».
Cette femme c’est aussi Castiza, la soeur du héros de la pièce, Vendice, des années après les drames qui traversent cette histoire.
Castiza c’est celle qui a fait corps avec Vendice, le frère; celle qui l’a porté à bout de bras pendant 9 ans – 9 années séparent la mort de la fiancée de Vendice, Gloriana et le début de la pièce c’est-à-dire son entrée en vengeance.
Castiza c’est aussi celle qui a survécu à la passion dévastatrice du frère qui a fini son envolée mélancolique sur l’échafaud.

Cette femme c’est aussi Gloriana, la fiancée de Vendice, ou plutôt ce que Gloriana aurait pu devenir si, toute jeune, elle ne s’était pas empoisonnée après avoir été violée – ou non – par le Duc. Parce que la question du viol – ou non – autrement dit du doute qui profite au criminel et non à la victime, est au coeur du projet. Il ne s’agit pas ici de moraliser cette question du viol – c’est évident – mais plutôt de questionner ce qui fait le viol; les couches et sous-couches qui en font une menace toujours latente, une arme de guerre, un projet d’éradication des femmes.

J’ai longtemps cru qu’une femme avec une jupe courte, un décolleté, était un appel au viol, et que sortir ainsi c’était chercher, inconsciemment sans doute, à se faire attraper dans un coin! Ou que le viol c’était comme une maladie, on pouvait l’attraper ou ne pas l’attraper! Que tout dépendait de notre comportement ou d’une obscure prédisposition!

Et tout ce qu’on mérite, c’est la honte : d’où le suicide, dans la pièce, des femmes que l’on a violées, ou « tentées » de violer.

J’ai grandi avec cette idée qui venait de ma mère qu’elle tenait de sa grand-mère paternelle qui elle-même avait été abusée, jeune fille, peu de temps avant qu’elle se marie. Les jupes courtes n’existaient pas à l’époque. Ni les décolletés ni les talons aiguilles. J’en reviens à ma question centrale: qu’est-ce qui fait le viol?

The Revenger’s Tragedy, cette pièce écrite en 1606, apparaît comme une matière riche et bouillonnante, une sorte de spectre révélateur de notre époque.

J’ai enduré vos discours et j’ai l’oreille en feu, c’est une parole de Castiza à sa mère – et ici on pourrait interroger le rôle des mères dans la transmission de la soumission féminine. J’ai enduré vos discours et j’ai l’oreille en feu est l’expression d’une exaspération dont nous voulons aussi rendre compte. L’expression d’un refus. D’un NON. Qui est un NON à la soumission, mais aussi un NON à la vengeance, un NON à la séduction de la tragédie pour la tragédie : sang et fureur.

Au fil des différents Flash Flow ou étapes de travail, des points de vue singuliers se dégagent, des digressions naissent. Démarche collective : comédiens, créateurs son/lumière/décor, écrivain, chacun développe sa propre lecture, dans un va-et-vient incessant entre The Revenger’s Tragedy, l’écriture de plateau portée par les comédiens, et les textes proposés par Caroline Lamarche. De cet échange foisonnant nous isolons des moments, nous remplissons, ou non, les non-dits de la pièce, nous scrutons ses échappées, bref nous nous échappons…

Très vite, nous apparaît la nécessité d’interroger un leitmotiv de la pièce, le «neuf ans!» répété par Vendice, ces neuf longues années de silence entre le crime et sa vengeance. Lorsque la pièce commence, il y a neuf ans que le Duc a violé Gloriana, la fiancée de Vendice, neuf ans qu’elle s’est empoisonnée pour ne pas survivre au déshonneur. Neuf ans de deuil, pour Vendice, neuf ans aux côtés de son frère pour la discrète Castiza, neuf ans d’une gestation invisible pour cette vengeance qui s’ouvre sur la flamboyante malédiction de Vendice :

Duke Royall letcher! Goe, gray hayrde adultery !
And thou his sonne, as impious steept as hee:
And thou, his bastard, true-begott in evill:
And thou his Dutchesse, that will doe with Devill:
Foure exlent Characters! -

Une vengeance qui ne s’arrêtera pas à la punition des coupables mais poursuivra son parcours funeste, comme entraînée par son propre mouvement, menant Vendice à sa perte et ouvrant à Castiza les portes d’une liberté qu’il reste à imaginer.

D’après The revenger’s tragedy, attribuée à Thomas Middleton ou Cyril Tourneur
Mise en scène Anne Thuot
Assistante à la mise en scène Lorette Moreau
Écriture Caroline Lamarche et les acteurs
Traduction Caroline Lamarche (EN/FR), Rokus Hofstede pour les textes de C. Lamarche (FR/NL), Rudi Bekaert (FR/ NL), Stéfania Ricciardi (EN/IT)
Interprétation Marie Bos, Alice Hubball, Francesco Italiano, Hervé Piron, Sara Sampelayo Dramaturgie Olivier Hespel
Création lumières Raphaël Noël
Création sonore Arnaud Paquotte
stagiaire Léonard Cornevin
Création plastique Mathieu Boxho assisté de Hugo Messina

Production: Fast asbl et l'Ancre (Charleroi)
Coproduction: La Balsamine (Bruxelles) | Aide Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Service du Théâtre | Soutien Centre des Arts Scéniques, Cocof, BOZAR, Théâtre National, kc nOna, Kunstencentrum BUDA, Théâtre du Rond-Point (Paris), Atelier 210, Wallonie-Bruxelles Théâtre/Danse, Eden - Centre Culturel Régional de Charleroi.

Merci à tous ceux qui ont participé aux Flash Flow:
Gilles Polet, Allan Bertin, Yannick de Coster, Sébastien Goutte, Benoit Janssens, Laura Laboureur, Hugo Messina, Natacha Nicora, Nicolas Mouzet-Tagawa, François Prodhomme, Mathilde Rault, Consolate Sipérius et Sophie Vanhulst

Passé
MARS 2012
08 mrs
Bruxelles BE 20:00 - Théâtre National - Festival XS/Flash Flow I
09 mrs
Bruxelles BE 20:00 - Théâtre National - Festival XS/Flash Flow I
10 mrs
Bruxelles BE 20:00 - Théâtre National - Festival XS/Flash Flow I
AVRIL 2013
02 avr
Paris FR 12:00 - Théâtre du Rond-Point - Flash Flow II
MAI 2013
16 mai
Charleroi BE 20:00 - Théâtre de l'Ancre - Flash Flow III
17 mai
Charleroi BE 20:00 - Théâtre de l'Ancre - Flash Flow III
18 mai
Charleroi BE 20:00 - Théâtre de l'Ancre - Flash Flow III
JUIN 2013
28 juin
Bruxelles BE 20:00 - La Balsamine - Flash Flow IV
NOVEMBRE 2013
06 nov
Bruxelles BE 20:00 - La Balsamine
07 nov
Bruxelles BE 20:00 - La Balsamine
08 nov
Bruxelles BE 20:00 - La Balsamine
09 nov
Bruxelles BE 20:00 - La Balsamine
13 nov
Bruxelles BE 20:00 - La Balsamine
14 nov
Bruxelles BE 20:00 - La Balsamine
15 nov
Bruxelles BE 20:00 - La Balsamine
16 nov
Bruxelles BE 20:00 - La Balsamine
21 nov
Malines BE 20:00 - KC Nona
27 nov
Charleroi BE 20:00 - Théâtre de l'Ancre - Présentation à l'Eden
28 nov
Charleroi BE 20:00 - Théâtre de l'Ancre - Présentation à l'Eden
29 nov
Charleroi BE 20:00 - Théâtre de l'Ancre - Présentation à l'Eden
30 nov
Charleroi BE 20:00 - Théâtre de l'Ancre - Présentation à l'Eden
NOVEMBRE 2015
19 nov
Manchester GB 20:00 - The Lowry
20 nov
Manchester GB 20:00 - The Lowry
21 nov
Manchester GB 20:00 - The Lowry